Nettoyer son miroir de télescope

Le nettoyage est un acte qui suscite beaucoup de questionnements et de craintes à cause du risque de rayures qu'il présente.

Voici ma méthode, qui s'appuie entre autres sur deux constats :

1) pour laver la surface du miroir, il faut qu'il y ait un contact (en fonction des méthodes : doigts, coton...).

Un simple bain (même prolongé) dans de l'eau savonneuse ne suffit pas. Pour s'en rendre compte, il suffit de ne passer les doigts que sur une zone du miroir : après séchage du miroir, on voit très clairement les endroits où les doigts sont passés, ils apparaissent sous la forme de trainées aux bords nets, tandis que les zones non touchées ont un aspect moins réfléchissant, gras, en comparaison.

Toute la surface du miroir mérite d'être touchée, et pas seulement les portions qui ont des taches.

2) Mieux vaut laver souvent.

Il est plus simple d'obtenir un bon résultat si on lave souvent. Si on attend trop longtemps entre deux séances, les taches s'en vont moins facilement, entraînant un risque accru de rayures car on est tenté d'insister pour qu'elles partent. De plus l'aluminure peut s'altérer si elle n'est pas nettoyée assez souvent, en fonction des conditions de stockage (ceci est développé quelques lignes plus bas).

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Ces deux préceptes vont à l'encontre de l'intuition qui incite à toucher le moins possible à l'aluminure.

Mais force est de constater qu'après de nombreux et réguliers lavages de mon miroir de 400 (et de bien d'autres) en suivant cette méthode, aucune rayure n'est à déplorer.

Ajoutons à cela que, contrairement à l'idée reçue, une aluminure peut s'abimer vite si on ne la nettoie pas : les dépôts organiques (pollens, chiures d'insectes, insectes morts, etc...) se dégradent sous l'effet de l'humidité, créant à plus ou moins longue échéance (en fonction des conditions de stockage du miroir) des taches qu'on ne peut pas faire disparaître puisque c'est l'aluminure elle-même qui est altérée.

La fréquence du lavage dépend du type de télescope et de l'utilisation qu'on en fait. Un tube fermé d'une lame de verre protège les optiques qui sont à l'intérieur, tandis qu'un miroir de Dobson (placé bas, souvent bourlingué en voiture et stocké dans le garage) est très exposé aux salissures. Un télescope entreposé en-dehors d'une habitation chauffée est à surveiller tout particulièrement : avec l'humidité, la moisissure peut s'y développer très vite en hiver.

Le mieux est de surveiller régulièrement l'état du miroir. Un peu de poussière est sans danger, mais il faut intervenir si l'on y détecte des petites taches douteuses, souvent circulaires et blanchâtres, le but étant d'éliminer tout ce qui peut entrainer une dégradation de l'aluminure.

A titre d'exemple, la toilette de mon miroir (dobson stocké à température extérieure dans un abri roulant très ventilé, donc exposé aux dépôts et à l'humidité) est faite tous les deux ou trois mois environ.

A signaler qu'il ne faut pas intervenir sur une aluminure neuve avant deux mois environ. En effet les réactions chimiques se poursuivent pendant quelques semaines après le traitement et il vaut mieux laisser son miroir tranquille sur cette durée, le temps que l'efficacité de la protection devienne optimale.

Ajout spécial "lecteur sceptique" :)

J'ai eu des retours (plus ou moins directs) de débutants à la recherche d'une méthode de lavage, exprimant le sentiment que le protocole décrit dans cette page est trop brutal, trop risqué, impression inspirée par la lecture de tutoriels du Net qui préconisent de nettoyer le miroir le moins souvent possible et de limiter au maximum le contact avec la surface aluminée.

Voici pour eux quelques précisions rassurantes.

1) Si les précautions de bon sens sont prises (commencer par nettoyer la bassine qui reçoit le miroir, se laver les mains, changer de vêtements et se laver les cheveux si on vient de faire du bricolage, se doucher si on revient de la plage avec des grains de sable collés sur la peau etc...), il n'y a pas de raison pour que des rayures soient générées lors du lavage.

2) Comme dit au-dessus, cette méthode n'est pas récente : de nombreux astronomes amateurs l'utilisent depuis des années et déclarent en être pleinement satisfaits.

3) L'entreprise MCM, spécialisée dans le traitement des surfaces optiques (et qui propose entre autres services l'aluminure de miroirs de télescopes), a connaissance de la méthode décrite dans cette page et la valide. D'ailleurs, pour le nettoyage d'une salissure localisée (comme par exemple une trace de doigt) sur une aluminure hydrophobe, cette entreprise pratique et préconise l'utilisation d'alcool à 90% (ou 70% si on ne trouve pas plus pur) et d'un chiffon microfibres, l'essuyage se faisant ensuite avec un chiffon de coton doux (propre, le chiffon !). On est donc très éloigné des tutoriels qui insistent sur la nécessité de ne surtout pas toucher la surface de son miroir...

 

Matériel nécessaire :

Du Paic Citron, de l'eau déminéralisée, un sèche-cheveux.

Par rapport à d'autres produits-vaisselle, le Paic est vraiment très dégraissant.

Voici le miroir fautif (diamètre 320), en gros plan.

 

Etape 1 : douche tonique

Passer le miroir sous le robinet en ouvrant en grand. Le but est d'éliminer -sans aucun frottement- les poussières et particules potentiellement abrasives déposées sur le miroir mais qui n'y sont pas réellement collées. Ne pas hésiter à mettre un peu de pression.

 

Etape 2 : détrempage

Laisser le miroir tremper dans de l'eau chaude et avec du Paic pendant un bon moment. Les particules se disolvent et partent plus facilement ainsi.

Si l'on se contente de ce bain prolongé, le miroir est un peu dégraissé mais l'essentiel des petites taches et de la couche grasse est encore collé à la surface. Pour les enlever, une action mécanique est nécessaire.

 

Etape 3 : la sortie du bain

Le miroir est rincé et déposé à plat sur l'égouttoir. Il faut laisser peu d'eau dans le creux du miroir : le pencher quelques secondes pour le «vider», la fine pellicule qui y reste accrochée suffit.

 

Les étapes qui suivent s'inspirent de la méthode de David Vernet, opticien professionnel et astronome amateur.

Si vous craignez un nettoyage hors de l'eau comme décrit ci-après, il est possible de laisser le miroir immergé, de déposer du Paic à sa surface, et de passer doucement les doigts dessus.

 

Etape 4 : le tartinage

Déposer une bonne dose de Paic sur la surface du miroir. Si vous sentez une particule sous les doigts (rare), ne pas insister, rincer et recommencer : c'est du bon sens valable à tout moment du nettoyage.

 

Etape 5 : monter l'émulsion

Ici, on veut obtenir une mousse qui a la même consistance qu'une mousse à raser dense. Il faut incorporer de l'air dans le Paic : poser les doigts sur le miroir et faire de petites rotations de la main avec un bon rythme. En même temps, la main se déplace sur toute la surface et à ce stade on n'appuie pas encore. Les doigts glissent sur le produit d'où l'absence de risque de rayures.

Au fil de ces rotations rapides, le Paic change progressivement de couleur et passe du jaune au blanc en quelques minutes.

 

Etape 6 : le nettoyage

Quand l'émulsion est à point (bien blanche, et on ressent qu'elle a atteint une consistance ferme), on peut appuyer davantage. A quel point ? Difficile à dire, en tout cas il ne s'agit pas d'effleurer mais bien d'appuyer. On ressent clairement qu'un coussin de produit s'interpose continument entre la pulpe des doigts et la surface, garantissant qu'on ne risque pas de créer de rayures. La durée n'est pas nécessairement longue, et si après rinçage et séchage le nettoyage s'avère être insuffisant, on peut renouveler l'opération.

Sous les doigts, on ressent toute particule en relief. Ne pas insister et laisser le temps à la solution d'agir et y revenir plus tard. En cas de doute, un rinçage permet d'examiner la nature de la particule. A l'examen visuel, ne pas insister sur les petites taches qui ne s'en vont pas, ce sont peut-être des lacunes dans l'aluminure elle-même et s'acharner dessus serait contre-productif.

 

Etape 7 : le rinçage

Le passage sous le robinet évacue cette mousse, mais étant dure et collante elle ne s'en va pas si facilement. Préférer l'eau chaude plus efficace et qui permet un séchage rapide.

Finir le rinçage en faisant couler de l'eau déminéralisée sur la surface optique : dans le cas où on utilise le sèche-cheveux, cela évite l'apparition de traces de calcaire laissées par la descente des gouttes d'eau.

 

Etape 8 : le séchage

Poser le miroir sur la tranche. Malgré sa relative propreté, il subsiste de l'eau accrochée à sa surface et le mieux est de l'en débarrasser.

Séchage au sèche-cheveux

Le sèche-cheveux est très efficace et sans risque puisqu'aucun contact ne se produit. Après un rinçage à l'eau déminéralisée, c'est une solution assez idéale pour le séchage. Mettre la puissance au maximum et approcher le bec du sèche-cheveux de la surface pour profiter de cette puissance. Commencer par le haut et pousser la pellicule d'eau vers le bas, on voit littéralement le "front humide" descendre.

Séchage à l'éponge

Si l'on n'a pas de sèche-cheveux, le séchage à l'éponge est possible. Nul besoin d'eau déminéralisée ou de soufflette pour éviter les traces de gouttes au séchage : on absorbe les résidus d'eau avec l'éponge, préalablement décapée avec du Paic pour la débarrasser des produits dont elle est imprégnée.

Faire des passes horizontales successives et en commençant par le haut du miroir. L'éponge est posée à plat en veillant à ne pas appuyer.

Ici, c'est une éponge à vaisselle, avec une face décapante qui n'est évidemment pas utilisée. Cependant, son côté «normal» est très bien adapté au séchage.

Résultat : aucune rayure, pas de trace de calcaire ni de ressui. C'est seulement à ce stade qu'on peut juger de l'efficacité du nettoyage.

 

 
 

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